Tout à la fois enveloppe protectrice et suaire, le drap de lit est l’objet quotidien des modalités pratiques de nos existences. Formée à la photographie contemporaine et à l’esthétique, Elena Groud retisse les fils d’une généalogie du drap comme objet artistique. Si le corps est physiquement absent, ses titres ramènent toujours à la condition humaine : Être chair, Êtres chers, Gestes, Extimités… De gestes performatifs, il en est question dans les tensions et les compositions de ces toiles a-formes jetées en l’air. (…) Chez Elena Groud, le texte est de plus en plus présent. Ses premières recherches - photographier les draps de lit secoués en l’air sur fond azur -, se sont densifiées d’un mille-feuilles de rencontres et de vécus et peu à peu teintées d’art social et politique, dans leurs transpositions en milieux hospitaliers et hôteliers. (…) Dans un monde où espaces et temporalités sont de plus en plus cadrés, (…) la plasticienne touche au plus intime qui soit, de ce qu’est “faire son lit”, “changer des draps”, “faire son ménage”, lieu ultime du repos, du sexe, du nu. Par le détour au pictural et au poétique, elle explore habilement les hors-champs de nos quotidiens, hors-cadre de nos institutions publiques et capitalistes.
Texte de Marie Cherfils, ‘Elena Groud, la photo et le textile comme langage résiduel de nos intimités collectives’, extrait, novembre 2024